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Photo du rédacteurKarin

Viggiù et le cimetière oublié

Viggiù est une petite bourgade de la région de Varese que l’on atteint peu après avoir quitté les rives du lac de Lugano à la hauteur de Porto Ceresio. Pourquoi nous sommes-nous retrouvés là? Et bien d’abord parce j’adore ce nom: Viggiù. (Prononcer « vidgiou » en accentuant la fin.) Mais surtout pour voir son ancien cimetière, à l’abandon depuis bientôt cent ans.

Nous le trouvons facilement, un peu en dehors du centre, à côté d’un parking. Déception cependant, il est fermé par une grille cadenassée et entouré d’un mur qu’un instant j’hésite à franchir. Mais quelque chose me retient quand même, le sentiment de profaner les lieux si je saute depuis l’enceinte à pieds joints au milieu des tombes moussues, les sirènes des carabiniers qui sillonnent les environs juste à ce moment-là, le fait que mon compagnon ne soit pas très mobile, ou tout à la fois.

Nos photos seront donc prises à travers la grille ou depuis le fameux mur.




Le cimetière semble avoir été construit au début du 19ème siècle, vers 1820, quand par édit napoléonien (comme Lady de Nantes) ces lieux saints mais sources d’épidémies devaient être placés loin des centres habités. L’endroit est petit, composé principalement de pierres tombales et de sculptures. La ville de Viggiù est connue pour ses carrières (calcaire, grès, marbre) et de nombreux artistes nés dans les années 1800, notamment des sculpteurs sur pierre, sont devenus célèbres en Lombardie. Certains ont contribué à quelques grands chantiers milanais. La plupart ont travaillé dans le Cimitero Vecchio et y ont laissé leur empreinte.

Ici sont enterrées les familles les plus importantes de la ville, qui ont fait appel aux meilleurs artistes locaux pour décorer leurs tombes.

Au fil du temps, l'espace est devenu de plus en plus petit jusqu'à ce que la dernière inhumation ait lieu en 1910. En 1923, après la Première Guerre mondiale, les habitants de la ville y ont planté des tilleuls pour commémorer les soldats du bourg tombés sur le front. Chaque arbre porte une plaque avec le nom d’un combattant. Il s'agit des derniers travaux effectués dans le cimetière. Le lieu a été ensuite déconsacré (!) puis laissé à l’abandon.

Parmi les éléments les plus notables se trouve le monument à Adalgisa Faré Cassani (une femme bien connue sur le territoire). Cette statue suit de son regard quiconque entre dans le cimetière de Viggiù, comme si elle en était la gardienne. Certainement, mais pour l’instant la gardienne c’est cette fichue grille.


La chapelle funéraire commune, conçue dans un style néoclassique, est la structure la plus importante, mais elle est aujourd'hui très délabrée.

Après qu'il y ait eu plusieurs tentatives de vol et de détérioration des statues et des pierres tombales, la municipalité a décidé de les déplacer et d’en exposer les plus importantes dans le petit musée Picassass.

Le cimetière attire de nombreux chercheurs en raison de sa valeur artistique et de ses symboles, qui ne correspondent pas à la tradition catholique et chrétienne, mais sont plus proches de la culture maçonnique. Il fait venir également les amateurs de sensations fortes et d’histoires paranormales. Il y a quelques années, Mistero, une émission connue en Italie, y avait fait un épisode rocambolesque qui n’avait pas manqué d’agacer les habitants de la région.




Le cimetière n’est donc plus ouvert que pour les festivités du 2 novembre et c’est à regret que nous lui tournons le dos pour aller faire quelques pas dans le centre du village.

Derrière la Villa Borromeo on peut voir un curieux édifice rond, autrefois abri et abreuvoir pour les chevaux. C’est ici et dans l’orangerie annexe que se trouve le petit musée des tailleurs de pierres, le Picasass. Comme il semble y avoir exactement deux touristes dans ce bled, nous, le gardien ne nous lâche plus et insiste pour que nous visitions les lieux. Alors que je lui explique que nous n’avons pas le droit à la culture et aux resto, il me dit : Chi se ne frega? ce qui peut se traduire par on s’en tape le coquillon sur la commode. Soit. Très volontiers.

Notre nouvel ami nous conseille de visiter également le Museo Enrico Butti, situé juste à côté du parking et qui possède de plus grandes pièces. Et il semblerait qu’en nous adressant gentiment au guichet, on puisse nous ouvrir le cimetière. A garder en poche pour une prochaine fois car mon comparse avec ses chevilles en miettes fatigue définitivement.




Ajoutons encore que la localité s'est fait connaître au milieu du siècle dernier avec une chanson, puis un film, tous deux nommés "I pompieri di Viggiù". Le compositeur, un maestro napolitain, avait été mobilisé dans la région durant la Seconde Guerre mondiale. Interprétée par une star de la chanson de l'après-guerre en Italie, cette ritournelle un peu cul-cul avait pour but de glorifier le corps de vigiles du feu volontaires de la petite ville. Elle a été accueillie avec un certain scepticisme par les habitants, d'autant plus qu'au niveau du double sens des paroles, elle pourrait s'apparenter aux Sucettes chantées par France Gall. Cependant, cela a permis de faire connaître Viggiù loin à la ronde même si les pompiers insistent pour se faire appeler "vigiles du feu" et rien d'autre.




Nous fermons notre boucle en voiture en retrouvant le lac de Lugano après Riva San Vitale, l'occasion d'avoir une superbe vue sur Morcote en face de nous.

Pompa qua, pompa là, pompa su e pompa giù! 🎶






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