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Photo du rédacteurKarin

Sienne

De l’abbaye sans toit de San Galgano à Sienne à cheval, il faut compter une demi-journée. Avec notre char on mettra trois quarts d’heure.

J’ai un très vague souvenir de Sienne pour l’avoir visitée avec mes parents et mon frère à la pré-adolescence. Elle reste dans les annales familiales comme LA ville, parmi les dizaines qu’il a arpentées, où mon père au sens de l’orientation infaillible s’est perdu. Je vois encore cette fin de journée où nous tournions autour des remparts, revenions sur nos pas, exténués, car il ne se souvenait plus par quelle porte nous étions entrés et nous ne trouvions plus notre voiture. J'imagine que mon père, passionné d’histoire et d’art, avait été déboussolé sitôt entré dans l’enceinte de cette incroyable cité.

Il y a de quoi. Tout de suite, on a l’impression d’être arrivés au Moyen Âge. Il faut seulement faire abstraction de la foule bigarrée qui déambule. Bien que le comportement de certains soit assez ancestral.

J’ai bien regardé où nous étions garés. Près de la Fortezza Medicea, un ancien fort, maintenant jardin public et école de jazz, d’où nous avons une belle vue sur la ville.


Selon la légende, les fils de Rémus durent échapper à leur oncle Romulus en s’enfuyant de Rome sur deux chevaux, l’un blanc et l’autre noir. Ils s’établirent dans cette vallée; Sienne était née et avait trouvé ses « couleurs ».


Les historiens quant à eux lui assignent une origine étrusque. Quoi qu’il en soit, Sienne devint une ville importante et fut la rivale de Florence. Tout au long des siècles, elle a su préserver son aspect gothique acquis entre le XIIe et le XVe. La ville entière, construite autour de la Piazza del Campo, a été conçue comme une œuvre d'art intégrée au paysage environnant. Le centre historique, concentré derrière des remparts de 7 kilomètres, est d’ailleurs inscrit au patrimoine de l’UNESCO qui en publie une étude très intéressante, la considérant comme un exemple rare de ville médiévale de cette taille. On peut l’expliquer par le fait que la ville n’a pas subi de dommages majeurs à la suite de guerres et a été épargnée par le développement industriel en restant à l’écart des grandes zones de développement du pays. Le centre historique de Sienne reste vulnérable à la pollution, aux tremblements de terre et à la pression intense du tourisme qui met à rude épreuve les services de la ville pendant quelques mois dans l’année. L’abandon progressif du coeur de la cité par les résidents locaux est également une source de préoccupation. J'imagine que c'est dû aux comportements moyenâgeux. Sienne est la ville natale de Gianna Nannini. Tous les autres, je ne les connais pas.🤨

C’est donc en passant devant le Palazzo Salimbeni, qui abrite la plus ancienne banque du monde, que nous faisons notre entrée dans Sienne, arrivant ensuite vers la Loge du Commerce, au croisement stratégique des trois rues principales.


Puis s’ouvre devant nous l’impressionnante place du Campo, inclinée et en forme de coquille Saint-Jacques, où convergent toutes les ruelles du centre. Ici se trouve le Palazzo Publico, hôtel-de-ville du XIIIe qui abrite un musée, et la tour del Mangia, haute de 102 mètres et point de repère où que l’on soit dans la cité. Elle doit son nom à un sonneur de cloches dépensier surnommé Mangiaguadagni (mange-gains).


La piazza del Campo est également connue pour le Palio, qui se déroule deux fois, en juillet et en août. Le festival en lui-même remonte à l’époque romaine, mais les courses de chevaux associées à l’événement ont lieu pour la première fois en 1283. Les cavaliers représentent les dix-sept quartiers (contrade) de Sienne. Les courses ne durent qu’une minute et demie mais rassemblent des milliers de personnes sur la place. C’est une fête séculaire à laquelle participe tout le peuple siennois et sur le site officiel, on insiste sur le fait que ce n’est pas un truc folklorique organisé pour le touriste. Qui est d’ailleurs prié de laisser son bordel à l’hôtel, la fouille des sacs ralentit l’entrée sur la place. Seules dix contrade, tirées au sort, participent à la course. Au coup de pétard, les chevaux, excités par le nerf de boeuf de leur jockey dépourvu de selle, s’élancent pour trois tours de piste et c’est le premier arrivé qui gagne, même s’il n’a plus personne sur son dos. Le vainqueur reçoit un palio (bannière) en soie, le jockey est porté en triomphe, il y a un petit passage à l’église pour remercier la Sainte-Vierge puis c’est la fête dans le quartier gagnant qui ne manquera pas de le faire savoir aux autres jusqu’à l’année suivante. Les organisateurs se défendent d’être très respectueux des chevaux, mais des animaux morts, il y en a régulièrement ce qui suscite forcément des critiques de la part de leurs défenseurs. En regardant les images de cette course, on peut se rendre compte que l'exercice est également très violent pour les cavaliers mais ça va, le service de secours semble être très réactif. Et si les gens pleurent alors que le malheureux est évacué en ambulance, ce n'est pas parce qu'ils se font du souci pour lui mais parce qu'ils n'ont plus aucune chance de gagner. Certains peuvent même lancer: "Il était vraiment con, celui-là!" Tout cela me laisse un peu sceptique sur l'évolution de l'homme bien que je sois à mille lieues de vouloir déboulonner des statues.



Nous passons sous le Facciatone, façade d’église inachevée, pour atteindre le Duomo, soit la cathédrale de Sienne, devant laquelle nous restons bouche ouverte, à l’extérieur comme à l’intérieur. Sa façade est en marbre noir et blanc, son intérieur contient, entre autres richesses, une bibliothèque avec des fresques lumineuses surveillées par les trois Grâces et de rares sols décorés en marbre dont beaucoup sont recouverts afin de les préserver.


Un peu sonnés, nous arpentons encore les ruelles pour traverser quelques quartiers annoncés par leur blason. Un peu en retrait de l'agitation du centre, nous visitons encore la Basilique San Francesco, d’un intérieur plus austère pour avoir été détruit lors d’un incendie en 1655. Elle renferme, en cette veille de Pâques, une exposition de crèches et de bibelots de Noël dont l’odeur de vieux galetas me suivra tout au long de la visite.


La Basilica San Domenigo nous laisse une impression mitigée, nous nous faisons engueuler pour avoir pris des photos sous le fumeux argument que comme l’entrée est gratuite, on n’a pas le droit d’en prendre. De toute façon c’était moche. Na! Bien, je n'irai pas jusque là par respect pour le tombeau de Catherine de Sienne qu'elle renferme, mais avec tout ce que nous avons vu, nous devenons blasés. Les coups d'oeil sur le centre depuis ce quartier valent cependant le détour.


Nous nous retrouvons ainsi à deux pas de notre parking et aurions pu rejoindre notre voiture en deux coups de cuillère à pot. Allo, papa?

Mais nous n’avons pas encore notre dose. Alors, nous revenons sur nos pas, déambulons dans d’autres ruelles, repassons vers certains édifices avant de finalement déclarer forfait.



Nous quittons le Moyen-Âge. Provisoirement. La mer, et notre deuxième logement Smartbox nous attendent à plus d’une heure de route de là.


Sources:

Et pour ceux qui s'intéresse au Palio, ce reportage:



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