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Photo du rédacteurKarin

Robert le Cerf

Janvier. Les voeux sont passés. Ouf! Un peu mou cette cuvée. Des formules prudentes. Des termes assez neutres. J’ai lu quelque part autour du 15 quelqu’un qui demandait si après avoir essayé cette nouvelle année deux semaines, il pouvait la rendre parce qu’elle ne lui plaisait pas. Et ça se confirme puisque tout ou presque est à nouveau fermé jusqu’à fin février. Il y a de la perspective.

Dans le même temps, Robert le Cerf naît de papier journal, d’un peu d’aluminium pour les bois (c’est pas très écolo, oui, je sais) et de scotch. Au stade de nouveau-né, il ressemble plutôt à un cochon qui aurait déjà à moitié passé dans la trancheuse. Cela fait longtemps que je n’ai plus travaillé en 3D, dommage que je ne puisse pas ouvrir cette fenêtre. Je serre les dents, c’est pas de sa faute s’il est moche, un nourrisson c’est rarement beau et Robert, adolescent, obtient plus ou moins la forme que je lui souhaitais. Je l’admets, son prénom n’est guère original mais il permet le bilinguisme et je fais de subtils progrès. En italien, il devient Roberto il Cervo.



Dans les médias, les chiffres ont changé. On compare moins les morts, les cas et les tests. Ils ont trouvé un nouveau truc rigolo à seriner chaque jour, ils appellent ça la course aux vaccins. C’est un peu les Jeux olympiques de la seringue. Chaque pays semble con-courir avec les autres, aujourd’hui les Etats-Unis viennent de dépasser à nouveau l’Espagne mais… ah… on me dit dans l’oreillette qu’Israël revient en force. En Suisse, on ne change pas une équipe qui gagne, c’est entre les cantons que les épreuves ont lieu, avec le CF qui compte les points et morigène ses troupes. Et oups, ça patine, voilà que la production ne suit plus. Je me marre. Tant qu’on ne vient pas me piquer de force sous prétexte que je prends bien des Dafalgan et que j’ai fait mon rappel polio. Mais j’oubliais… Il semble désormais que l’on n’ait plus le droit d’émettre le moindre doute ou de se poser des questions qui dérangent et dont certaines n'ont pas de réponse sans être immédiatement traité d'anti-vax (un mot qui s'apparente un peu à terroriste) ou de complotiste.


Complotiste est un terme générique qui regroupe plein de choses et met tout le monde dans le même panier, comme des adeptes de QAnon, l’extrême-droite, l’extrême-gauche, des bobos, des véganes, une vendeuse de chaussures et le Professeur Tournesol. C'est aussi une étiquette très pratique pour couper immédiatement le sifflet à toute personne qui se questionne. Mais heureusement, Facebook et d'autres veillent au grain et s'érigent en censeurs. On peut continuer à dire que la terre est plate.


Je préfère donc m’auto-censurer pour l’instant et revenir à Robert. Il est temps de mettre les mains dans la colle et une première couche en Sopalin fait prendre immédiatement un demi-siècle à mon adolescent.




Il y a un demi-siècle, comme moi, les femmes obtenaient le droit de vote en Suisse. On était en 1971 et on imaginait l’an 2000 avec des voitures volantes et des robots partout. Mais si tu voyais notre monde, ma pauvre Lucette! Des recrues de l’armée suisse qui commencent leur cours de répète sur leur ordinateur dans leur salon, tu l’aurais envisagé? Des interdictions de se réunir chez toi à plus de cinq, des concerts expérimentaux où chacun est dans une bulle, une éducatrice de la petite enfance avec un slip sur la gueule qui interdit aux petits de chanter parce que ça véhicule les méchants virus, tu l’aurais cru possible?

Alors je profite que je peux encore hurler à tue-tête à Robert, et sans masque, Oops I did it again de Britney et je joue avec lui pour taquiner ma môman. Cette dernière a les trophées en horreur, qu’ils soient vrais ou faux. Je le sais pour en avoir déjà exposés chez moi (des faux!) et obtenu des retours assez francs sur mes goûts décoratifs. Comme c’est bientôt son anniversaire, je lui fais croire qu’il lui est destiné et trouve, en effectuant mes couches de papier journal, deux yeux qui lui feront encore plus peur.




On se dira qu’à cette étape, l’artiste a certainement voulu se questionner sur le sexe de Robert. Et d’ailleurs, pourquoi n’aurait-il pas le droit d’être Huguette la Chevrettte ou Pedro l’Escargot? Et en plus, pour l’instant, il/elle/das a plutôt le teint clair. Quelle va être la répercussion de cette perception sur nos générations futures? Non, j’arrête, avant que vous ne partiez. C’est parce que je viens de lire qu’on ne peut plus voir Les Aristochats ou le Livre de la Jungle ou la Belle et le Clochard sur Disney avec un profil enfant et sans avoir droit à un petit discours moralisateur à la noix, comme quoi ces films contiennent des stéréotypes dommageables. Cette ère du politiquement correct de mes fesses commence à me faire chier grave. Et je me permets d’être vulgaire car le reste du temps, ma syntaxe et mon orthographe sont relativement bonnes. Allez, lissons Robert, tout comme notre monde veut lisser les différences et prendre l'humain pour le blaireau qu'il devient. Et l'humaine pour la blairotte. Mais alors qu'est-ce qu'on fait avec le neutre? Bon, comme quoi, si je n'ai encore rien compris, je n'ai pas le droit de critiquer.

Revenons à nos moutons.

Ça non plus, faut plus trop le dire.




Redevenu blanc (oui, bon, je m’en excuse mais c’est quand même mieux pour la couche de fond) mon cerf s’est trouvé une nouvelle copine qui a pu en profiter un moment. Pour tout dire, pendant quelque temps, de Robert je n’ai su que faire. Il y a eu une tentative de peinture très bigarrée qui était si horrible que je ne l’ai même pas photographiée. Et comme dit l’OFSP, tout le monde peut se tromper. En plus je n’avais pas le bon matériel et que je pensais naïvement ne pas pouvoir aller en acheter. Vu que les commerces non essentiels sont désormais fermés, trouver de la peinture spéciale pour trophée en papier, qui est quand même le top du truc qui sert à rien, je n’imaginais pas que c’était dans le domaine du possible.

Quelques jours plus tard, je n’en reviens pas, la peinture je l’ai trouvée. Alors que quelques mètres plus loin, le rayon habits est recouvert d’une bâche militaire. Que des rubans rouges et blancs empêchent l’accès aux jouets, aux appareils ménagers, à certains articles de papeterie, dans un choix tellement aléatoire que l’on se demande si l’équipe qui nous a pondu les listes à Bern ne faisait pas un Bingo en même temps.

Pour la peinture, de toute façon, c’est trop tard, j’ai plus envie. J’ai récupéré un emballage en papier kraft épais qui donne une belle peau à Robert. Ensuite, Gilles m’a fabriqué un support dans un reste de bois et il a fallu lui trancher dans le gras du cou pour pouvoir l’y appliquer (Robert, pas Gilles).




Ça peut quand même servir de porte-manteau. Ou de porte-masque.

Désormais, l’objet est omniprésent. Sur chaque photo, chaque image de télévision. On parle de le faire porter aux enfants à l’école dès 6 ans. Les demi-mesures à la chèvre et au chou débiles qui nous sont imposées jusqu’à fin février vont certainement être maintenues jusqu’à… l’été? C’est ce que notre ministre a déjà vaguement fait entendre alors que les chiffres baissent toujours mais il y a le variant britannique et sud-africain qui attendent, tapis dans l’ombre. Cela fait un certain temps déjà que la musique de suspense enfle et puis patine, mais voilà, il y a maintenant UN CAS de variant brésilien à Genève. Celui-là, il vient de sortir. Un restaurateur qui attend des mesures d’aides depuis des mois se fait amender dans la semaine pour avoir offert un verre à un client, des établissements s’ouvrent clandestinement dans des arrière-cours et les faussaires se sont recyclés dans les tests PCR.

Robert a trouvé sa place dans la vitrine de février, du coup je me suis lancée dans quelques travaux d’envergure en cette même matière. Une prochaine fois, peut-être que je vous parlerai de Philoé la robe en papier qui est un sujet également très sexiste.




Cependant, entre notre monde, Robert et moi, qui est le plus givré, le doute persiste. 🤪





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