C’était un grand hôtel, inauguré en 1912. Caractérisé par ses décorations Art nouveau, il est immédiatement devenu la destination des familles aisées de Milan, Varese et Côme qui venaient y respirer l’air de la montagne et admirer la vue depuis les terrasses.
Cela n’a pas duré très longtemps car l’édifice a été réquisitionné pendant la Première Guerre mondiale pour être utilisé comme hôpital militaire. Une soeur très connue, Maria Bertilla Boscarin (si, si) s’est dévouée afin de soigner les soldats. Pour son abnégation et le fait qu’elle ait sauvé de nombreuses vies, elle a été proclamée Sainte en 1961. Dans les années 20, l’hôtel a repris ses fonctions et a été classé dans les destinations touristiques de luxe mais avec la Deuxième Guerre mondiale, rebelote, il a de nouveau servi d’hôpital militaire et de dépôt d’armes. Sur la fin du conflit, il est devenu une base pour les partisans luttant contre les Allemands. Après 1945, l’idée d’hôtel a été complètement abandonnée. La structure, qui s’était dotée depuis sa construction initiale de deux ailes supplémentaires, est devenue un institut pour orphelins de guerre. Les soeurs géraient l’affaire et on dit qu’elles infligeaient des peines très sévères. En tout cas, elles n’ont pas été canonisées. Dans une approche pédagogique toute particulière, on estimait que ces enfants traumatisés et sans parents devaient se mettre à la tâche au plus vite pour oublier. On les utilisait alors pour fabriquer des crayons et des stylos BIC. Alberto se souvient:
« J'y suis allé de 1955 à 1961 pour faire mon école primaire. Don Boccellari était une sorte de criminel habillé en prêtre, aux mains baladeuses. Sans oublier Sœur Riccarda, une sorcière déguisée en religieuse qui frappait à tout va et semblait apprécier nos punitions, infligées avec une réelle férocité. Quand j'avais 6 ans, je devais même cirer les sols et les frotter pour les faire briller. Quant au travail que l’on nous faisait faire, mes mains sont toutes abîmées par des éclats de verre car nous étions obligés de mettre des recharges de stylos Bic dans de très petits récipients avec le risque qu'ils se brisent et que le verre s'enfonce dans la chair. »
Après une petite approche extérieure, entrons au rez-de-chaussée pour imaginer d'anciens lieux de vie commune, des carreaux peut-être cirés par Alberto et une chapelle, comme il se doit parce que Dieu est amour, entre deux beignes. Hypocrites, va!
Les années passant, l’institut s’est transformé en colonie de vacances, les approches éducatives semblent avoir un peu évolué et BIC a dû se délocaliser en Chine (non, je déconne…?)
Nous ne nous sommes pas aventurés dans les endroits trop sombres, l’édifice étant dans un état de délabrement très avancé. Il semble que la vue soit belle depuis les balcons du deuxième étage mais ça sera sans nous, il y a des trous partout. J’ai même lu, dans un article qui date déjà "qu'en raison de l’affaissement du plancher, des volets ont été placés pour faciliter le passage d’une aile à l’autre ". Mais l’hôpital le plus proche, à mon avis, il est vachement loin. Nous nous arrêterons donc à la vue du premier étage.
Derrière le bâtiment s’élèvent plusieurs autres édifices plus petits sur l’histoire desquels je n’ai rien trouvé. Pour autant qu’ils aient été un jour terminés. Des garages, des stalles pour des chèvres, une maisonnette clairement pas finie, un four à pain. En 2016, le lieu a été classé historiquement et je ne sais quand, on a parlé de le réhabiliter dans sa fonction primaire d’hôtel. En 2022, j’ai envie de dire: bon courage.
Nous quittons les lieux en passant devant les escaliers de l’entrée principale envahis de végétation, avec un dernier coup d'oeil sur les sculptures de la façade qui restent imperturbables, le regard vide malgré tout ce qu’elles ont vu.
Références:
Fondo per l'Ambiente Italiano: ex-Hotel Prealpi e Istituto Padre Beccaro
Il Curiosone: Ex-Grand Hotel Prealpi
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