Laissant derrière nous l’asile psychiatrique et ses hauts murs, nous continuons à nous enfoncer dans ces terres plates piémontaises où des rizières s'étirent à perte de vue. Un spectacle qui m’a toujours impressionnée.
C’est par hasard que nous avisons la Madone des Vignes en bord de route, officiellement appelée l’église du Très Saint Nom de Marie, aussi connue pour sa légende sur la partition du Diable.
La brume qui colle souvent sur ces plaines agricoles piémontaises aide à faire planer des voiles de mystères sur une multitudes de lieux. Cette église abandonnée et désormais saccagée ne fait pas exception à la règle.
Son corps original date du XVIIe siècle mais elle a été terminée et consacrée en 1713. Le bâtiment est octogonal avec un plafond en dôme, l'octogone symbolisant l'infini et la transition. Lors de sa construction, l'église a été le centre de formation des artistes les plus importants du baroque piémontais. Dans une niche désormais vide se trouvait une statue de la Sainte Vierge en bois qui tenait un enfant d’un bras et tendait sa main droite comme une coupe vide. La servante du prêtre avait pris pour habitude d’y placer une grappe de raisin, d’où son appellation de Madone des Vignes dans une région qui n’en a presque pas.* Cette Vierge a été déplacée en 1920 dans un domaine voisin et il s’en est suivi un long déclin de l’église jusqu’à ce qu’elle soit déconsacrée en 1967.
* Cette histoire est très jolie mais alors pourquoi y a-t-il des grappes de raisin sur les décorations en stuc?
Quant au diable, nous sommes dans la région de la Principauté de Lucedio, dont l'étymologie du nom viendrait de Lucifer, ce qui est certainement faux mais a aidé à alimenter la légende. À la fin du XVIIe, un groupe de jeunes filles et de religieuses ont utilisé un rite satanique pour invoquer le Diable. Satan atteignit l’abbaye voisine et prit possession des moines qui dès lors commencèrent à pratiquer le culte des Ténèbres, allant jusqu’au viol et à la torture. Des années plus tard, un groupe de religieux réussit à débarrasser l’abbaye de la présence du Diable en l’emprisonnant à l’intérieur de l’église, dans la crypte. Pour augmenter la puissance du sortilège, un moine a composé une musique magique. La partition aurait eu la capacité de garder le malin dans sa cellule si elle était jouée correctement. Déchiffrée à l’envers, par contre, elle aurait pu le libérer. Pendant des années, la partition a été recherchée dans l’abbaye, mais en vain, et l’on pensait qu’en raison de son importance, elle aurait pu être détruite. Elle a finalement été retrouvée en 1999. Elle était sous la fresque de l’orgue, dans la Madone des Vignes. Et bien oui, ça semble logique, si on me l’avait demandé, je l'aurais deviné.
Il peut y avoir une autre explication à cela. L’église étant très petite, il n’y avait pas assez d’espace pour l’orgue. Il est probable qu’on avait placé un orgue de Barbarie à l’intérieur du rectangle rouge. Pour aller dans le sens de cette théorie, on voit un objet semblable à une manivelle représenté à droite.
L’endroit a attiré tous les férus d’ésotérisme et les satanistes d’ici et de Novara. Confronté au saccage de ce lieu qui pourtant devait être très doux, on ne peut qu'accepter l'évidence. L’un d’eux a joué la mélodie à l’envers et réveillé Lucifer. Il a en tout cas soufflé un vent de bêtise crasse sur un certain nombre d’abrutis, l’un d’eux allant même jusqu’à creuser le sol pour y trouver l’hypothétique souterrain qui menait à l'abbaye.
Sources:
Vanillia Magazine: Arte e misteri nel Santuario della Madonna delle Vigne
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