Non, non, ce n’est pas un urbex. Nous avons payé notre visite et avons même eu droit à un joli gilet orange pour ce faire.
Né dans la région de Varese, Angelo Poretti part travailler en Allemagne et en Autriche. Il y rencontre de grands maîtres brasseurs et en revient avec un rêve: fabriquer la première bière italienne digne de ce nom, défi relativement important pour un pays jusqu’alors connu pour ses vins. Il trouve à Induno Olona l'emplacement idéal à ses projets. Une usine de coton inutilisée bordée d’un immense parc, une vallée remplie de grottes qui permettent la réfrigération et une source d’eau pure jusqu’ici appelée Fontaine des Malades, connue pour ses vertus curatives. Poretti ne cherche quant à lui pas d’autre miracle que mener à bien son entreprise qui, dès son ouverture en 1877, se développe rapidement. Le Varesotto est alors un lieu de villégiature très prisé, la région se dote d’un tram qui traverse le site et facilite autant les transports que la visite des touristes transitant par la brasserie-parc voulue par Poretti.
Angelo Poretti meurt en 1901 sans avoir eu d’enfants et ses quatre neveux lui succèdent. Ils agrandissent l’entreprise en choisissant une architecture Jugendstil, cousin allemand de l’Art nouveau, et font bâtir une villa de maître de même style.
La brasserie connait un premier coup de mou en 1929, lors de la grande dépression et la disparition successive de deux des neveux. Elle est rachetée par la famille Bassetti et vit à nouveau des moments difficiles dans les années 70. C’est alors qu’intervient l’entreprise Carlsberg qui va petit à petit racheter les parts jusqu’à en devenir entièrement propriétaire en 2002. Un camouflet pour les Italiens qui voient désormais trôner un nom danois sur l'une de leurs fiertés nationales. Cependant, et c’est notre guide indépendante qui le souligne, Carlsberg a mis un point d’honneur à conserver le patrimoine Poretti et honorer sa mémoire. De plus, après le rachat, de nombreuses innovations technologiques et écologiques ont été développées sur le site.
Depuis le temps que ce majestueux édifice avec ses cuves et ses gargouilles me faisait de l’oeil, je n’ai pas regretté cette visite même si elle nous a un peu laissé sur notre soif. Wouarf! Nous avons en fin de compte très peu vu l’intérieur des bâtiments: le conditionnement des bouteilles depuis un long couloir vitré, puis la magnifique salle conservant les anciennes chaudières en cuivre, encore fonctionnelles. Par cette journée à 34°C, j’avoue que j’ai eu de la peine à suivre les explications sur les étapes de fabrication qui se passaient à l’intérieur. J'ai malgré tout mis un nouveau mot à mon vocabulaire, luppolo qui veut dire houblon. On en utilise entre 3 et 9 variétés afin de confectionner les Poretti, ceci expliquant le look des bouteilles qui jusqu'ici était resté un mystère. Pour une obscure raison, depuis le Covid, la visite de l’ancienne galerie du tram et de la source ne se font plus.
Nous monterons alors dans les allées du parc pour entrer au rez de la villa, transformé en pub. Ici nous salivons devant un bar monumental et son alignée de robinets mais la dame va tout de suite mettre les choses au point: c’est un tiers de gobelet avec plein de mousse par personne, et on a droit à deux tournées. Beaucoup de fûts étaient vides ou sur le point de l’être si bien qu’à ce moment-là, même si je n’étais pas venue ici pour en ressortir beurrée comme un p'tit Lu, j’ai trouvé que ce n’était pas une bonne publicité. D’autant qu’on n’a pas pu se rattraper dans leur magasin qui était fermé. Ceci mis à part, notre guide était très intéressante et connaissait son sujet sur le bout des doigts.
Pour finir la journée dans la même ligne, nous nous rendons dans le village de Bregazzana qui surplombe la brasserie. Dans le cimetière se trouve le tombeau des Magnani, neveux héritiers de Poretti, qui a la particularité d’être orné d’une sculpture d’éléphant en taille presque réelle. On mangera une pizza à la Locanda di Bacco, sur une terrasse qui surplombe la vallée (la vue, seulement si l’on a réservé, endroit très familial et apparemment couru par les locaux). Dans ce vieux café, on trouve forcément la plupart des bières Poretti. En ligne directe avec la brasserie, plaisante le serveur. À côté de nous, des autochtones arrivent à ingurgiter par cette chaleur un pichet par personne, un plateau de viande froide, des gnocchi et un tiramisù. On est vraiment des petites natures.
Sources:
Photos: Karin et Patrick, sauf affiches et variétés de luppoli
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