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Photo du rédacteurKarin

Plâtré


Dans l'un de mes petits carnets, je suis retombée sur quelques notes que j'avais prises lors de ma lecture courageuse des 661 pages de l'édifiant roman Le Dragon du Muveran de Marc Voltenauer. S'il est sorti en août 2016, la "critique" de ce livre n'est plus trop d'actualité mais comme je l'ai encore vu en première place sur les étalages de Payot il y a peu, je ne peux résister à la tentation de mettre mon brouillon à jour.

Le Dragon du Muveran est donc un roman policier suisse qui se passe dans "le charmant village de Gryon" et une première recherche sur internet ne met en évidence que des critiques dithyrambiques. Les bras m'en tombent, pourquoi tant d'amour? Est-ce parce que l'auteur se prend pour un écrivain à suspense suédois (d'ailleurs, ça tombe bien, sa mère est suédoise) et que tout le monde veut croire que la Suisse va devenir le deuxième pays du polar à la chaîne ? Est-ce que les journalistes ont eu peur de s'attirer les foudres de la communauté LGBT en émettant la moindre critique négative sur ce bouquin ? En effet, gay lui-même, l'écrivain met en scène un homosexuel qui plus est policier, le courageux garçon. Est-ce parce que cela se passe chez nous et que c'est vachement fun de voir les mots "carnotzet" et "Le Matin Dimanche" imprimé dans un bouquin ? Pourtant, cela ne semble choquer personne que toute cette avalanche de suissitudes soient présentées avec une telle abondance de détails insipides que cela pue à plein nez le flirt avec la France. Aux dernières nouvelles, il semblerait que ce soit mission accomplie, dusse-t-elle l'être grâce à un réel talent ou à un habile matraquage par les réseaux sociaux.

Nulle critique ne relève donc le fait que ce roman ne soit pas spécialement bien écrit et que l'auteur ne maîtrise absolument pas les points de vue narratifs. What else ? Après cela, Voltenauer a certainement gagné son poids en capsules Nespresso et bénéficié d'actions gratuites chez Apple. Tout le monde possède un iPhone et les policiers échangent par Skype et Face Time. Je n'ai pas trop compris le but de l'exercice. Ils ne peuvent pas se téléphoner ? Peut-être que la pub pour Swisscom n'a pas été comprise dans cette vaste opération marketing. Ou alors, ils ont un super-méga débit. Quant à moi, lorsque je tente de me connecter via ces réseaux-là, ça coupe tellement la conversation que j'aurais envie d'en revenir au fax.

Comme l'auteur possède une licence de théologie à l'Université de Genève, l'histoire est truffée d'extraits de la Bible qui donnent envie de sauter dix pages d'un coup. Dès lors, on ne peut que se féliciter qu'il n'ait pas choisi d'étudier la gynécologie à la Faculté de Médecine. Une majeure partie des personnages est constituée de caricatures d'un Christian Constantin à la vaudoise empêtrés dans la Lex Weber. L'intrigue est bancale, mal ficelée et le souhait évident de se voir comparé aux maîtres du genre en devient presque pathétique.

Tout à coup, dans les 100 dernières pages, paf, par le miracle de Skype, toujours, on se retrouve propulsés aux Etats-Unis avec un tueur en série du genre Dexter, pif, pouf, tout est emballé-pesé, ça fera 23 francs, chère Madame.

Le pire, c'est qu'il semblerait que ce ne soit que le début d'une (longue) série.

Amen.


Dans mon éducation, on m'a appris à ne pas jeter mes papiers par terre et à ne pas mettre les livres à la poubelle. C'est pourquoi, lorsqu'ils sont vraiment mauvais, je les plâtre.

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