Pour une première participation à la Photo du Mois, je suis tombée sur un thème pas piqué des vers. Avant de me lancer dans cette aventure, j’étais allée regarder à quoi je pouvais m’attendre. Touristes, reflets, évasion, nature en macro… Facile ! comme dirait l’autre.
Pour votre information, lecteur non averti, le 15 de chaque mois, à midi heure de Paris, des bloggeurs de tous horizons mettent en ligne une photo dont le thème a été prédéfini par un de leurs pairs.
Dentelles, donc… J’ai tout d’abord eu à l’esprit les Dents du Midi, célèbre massif des Alpes valaisannes, ce qui aurait signifié que je doive payer de ma personne en encaissant trois jours de courbatures après avoir fait une petite rando pour saisir LA prise de vue. A la recherche d'une autre idée moins physique, j’ai pensé à des silhouettes d’arbres se découpant dans le soleil couchant. J’ai tenté l’expérience, mais c’est plus joli en vrai qu’en photo. De plus, il faudrait pouvoir broder (oups, ça m'a échappé) sur le sujet. Encéphalogramme plat. Sinon, j’ai hésité à rester dans mon quotidien puisqu’il faut dire que certains de mes élèves ne font pas dans la dentelle. Ce qui impliquerait de devoir scribouiller une fois de plus sur l’enseignement, et je crois que je me suis assez grillée sur ce sujet ces derniers temps.
Et puis zut ! Crotte et saperlipopette. Et si je prenais le thème au premier degré ? La dentelle, c’est un truc un peu désuet. Du passé. Vintage, quoi.
Alors, je suis partie à la recherche d’un objet type napperon à la frontière entre le macramé et le crochet. Voilà, bon, d’accord, la toile de fond est ce qu’elle est. Si notre région lausannoise était connue pour ses dentelières, ça se saurait. Pour la saucisse aux choux, ça ne fait pas un pli mais en l'occurence, ça ne m'aide pas trop sur ce coup-là.
La dame sur la photographie a une longue histoire faite de fils entrecroisés. Sa mère se fit emprisonner après avoir mené l’insurrection des petites mains exploitées, tissant inlassablement le coton dans les arrière-cours des masures piémontaises. Quelque chose d'un peu plus brut que de la dentelle. Contre toute attente, cette femme deviendra couturière et épousera, à défaut d'un Italien, un Tessinois. Qui, lui non plus, ne fut guère entouré de dentelles, les femmes ayant bien assez à faire en cherchant de quoi agrémenter la polenta quotidienne dans ce rude Malcantone si bien nommé, avant l'arrivée du tourisme et du Tessiner Zeitung (ouille, mes oreilles). L’araignée tisse sa toile dans la poussière de ces objets issus du passé, tout s’enchaine, se tricote. Une maille à l’endroit et une, à l’envers. Les membres du Cercle Littéraire des Amateurs d’Epluchures de Châtaignes et de Napperons en Dentelle me tourneront aussitôt le dos en s’insurgeant contre ce non-sens commis par une béotienne encrassée. Faut-il encore ajouter que dans ma petite brocante, on trouve des lettres au charme suranné échangées pendant la deuxième guerre mondiale entre les protagonistes de cette histoire ?
Cette légère mise en scène effectuée, il ne me reste plus qu’à l’immortaliser, avec pour seule arme un smartphone d’une marque qui permet aux héritiers de Steve Jobs de mettre du beurre de cacahuète dans leur corned-beef. En deux coups de cuillère à pot, hop, le tour est joué.
Dentelle, c’est ma grand-mère à la fin des années 30, telle qu’elle m’a suivie une partie de cet été dans sa correspondance.
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