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Photo du rédacteurKarin

Si t'en as Marrakech, va Ouarzazate.



Sur les réseaux sociaux, c’est l’été. Aou, tcha, tcha, tcha. Perso, je m’en tape un peu que certains soient localisés au camping 3 étoiles de Perpète-Les-Dindes. Et si j'apprécie les belles photographies de voyage, mon intérêt peut vite s'émousser en contemplant des coups de soleil exposés en premier plan de tous les monuments de Rome.

Franchement, est-ce que je vais publier un statut parce que je suis chez moi, en train de chanter "Chéri, je t'aime, chéri, je t’adore, comme la salsa del pomodor" avec Bob Azzam ? Non. Et pourtant, je rêve de vous faire connaître mon Mustapha à moi. Mais je sens chez vous une certaine appréhension. Vous qui gardez encore le cuisant souvenir d’une soirée chez vos voisins ayant soudain décidé de vous montrer les 1500 prises de vue de leur dernier voyage en Thaïlande. Vous qui vous rappelez combien vous aviez regretté alors de n’avoir rien demandé de plus fort qu’une Eve aux litchis. Qui vous remémorez comment vous vous passiez le temps en arrangeant vos noyaux d’olives sur une petite serviette.

Pourtant, je brûle de le raconter : je reviens d’un circuit d'une semaine au Maroc avec ma gazelle de 15 ans. Même si je ne vous ai pas envoyé des flyers avant pour vous en informer.

1510 photos de KA's

Pour les olives, repassez plus tard.

Les acteurs principaux de ce périple sont, et dans l'ordre d'apparition à l'écran, le Maroc (pour cela, se référer aux galeries photo), notre fabuleux guide Mustafa (j'ai décidé que pour lui, on l'orthographierait comme ça) et notre chauffeur au prénom à jamais inconnu, honte à moi, mais dont l'évocation me rappellera indéfiniment la bouillabaisse arabo-ethno-techno-rap avec laquelle il a rabâché nos écoutilles durant tout le voyage. S’ajoutent à cela deux potes portugais, Carlos et Victor, qui sont devenus nos compagnons de route. Les Portugais sont très sympathiques, Simone, lorsqu'ils ne klaxonnent pas sur la place Saint-François en brandissant des drapeaux. Ces deux-là ont l'habitude de voyager ensemble et emportent dans leur sac un gros Schtroumpf en peluche qu'ils photographient devant chaque lieu visité. Tout comme Amélie Poulain l’a fait avant eux avec un nain de jardin.

Une fine équipe de doux dingues. On ne va pas être déçu. A commencer par Mustafa.

Le brave homme est, d'après l'agence, un "guide multilingue". Il faut entendre par là que dans chacune de ses phrases, qu'il ne parvient d’ailleurs pas à terminer, nous devons trier les mots arabes et espagnols et repérer ce qui pourrait éventuellement passer pour du français. En plus d’être incompréhensible, Mustafa est nul. Et ceci dans toutes les langues. Le matin, avant de partir, il lit quelques dates sur Wikipédia pour nous faire croire qu’il connait son sujet. Et il va sans dire qu’il ne comprend pas nos questions. Exemple :

- Mustafa, à la prochaine halte, nous devrons trouver des toilettes.

- Oui, pas de problème. Demain, à Fès.

A Fès, outre le fait de trouver des toilettes, nous avons eu l’heureuse surprise de visiter la médina avec un guide local. Un qui parle couramment français. Un qui sourit et qui semble un tout petit peu vivant. Un de ceux qui ponctue ses explications circonstanciées d’anecdotes en tous genres. Ainsi donc, cette denrée se trouve au Maroc. Notre ami Victor a très bien résumé la situation. Tout en prenant l’air émerveillé du type qui vient de découvrir l’eau tiède, il s'est exclamé : « Ah, mais en fait, Mustafa… c’est pas un vrai guide ! »

Et l’autre qui nous suit comme un boulet tout au long des 7 kilomètres effectués dans les labyrinthes de la médina. Ce jour-là, peut-être plus que les autres, je n’ai pas bien compris à quoi il servait. Il aurait au moins pu prendre des notes.

Bien sûr, avec ce genre de personnage (je parle du vrai guide), il faut essayer de rire au gag local que j’ai déjà entendu il y a 30 ans : « Ici, on passe de Coco Chanel à Caca Chanel » et puis, il faut résister aux blagues sexistes du style :

- Vous savez comment on appelle le fait d’avoir plusieurs femmes ?

- La polygamie.

- Et le fait de n’en avoir qu’une ?

- La monogamie.

- Faux. La monotonie. Ah, ah, ah !

(Lol)

(Mdr)

- Sinon, au Maroc, une femme peut avoir combien de maris ?

- ...

(Air choqué. )

(Seul Carlos se marre.)

On doit aussi faire abstraction du fait que la visite d’un artisan au travail se termine inévitablement par un tour imposé de la boutique « juste pour le plaisir des yeux » et pour éventuellement trouver un truc qui sera « moins cher que gratuit».

Photos : KA's

Dans le « véhicule climatisé » proposé par l’agence, nous découvrons l’air conditionné à la marocaine : fenêtres grandes ouvertes à l’avant. Derrière, nos vitres ne s’entrebâillent que latéralement et se bloquent avec un clip qui ne tient plus. Il suffit alors de se caler dans le siège de manière à recevoir un peu d’air sur la figure, juste de quoi ne pas se choper un orgelet. Simple. Quant au GPS marocain de Gad Elmaleh, il existe pour de vrai. « Ouvre ta fenêtre. (Bon, c'est déjà fait.) Allez, demande à çui-là c’est où la rue que tu cherches. » D’ailleurs, les autochtones ont une façon toute particulière de nous expliquer un itinéraire. Pour quelqu’un qui n’est plus capable de lire un plan sans sortir ses lunettes-loupes, cela me convient à merveille.

- La première à droite : non. La deuxième à droite : non. La troisième à droite : oui. Et après, tout droit, tout droit. Et tu arrives. Vingt minutes.

Il faut savoir que ce n’est pas pour rien si les Marocains se distinguent aux 20 km de Lausanne. Ces gens marchent très vite. Compter quarante minutes.

A l’arrière de notre carrosse, les quelques 500 kilomètres qui séparent Fès de Marrakech ressemblent à un long chemin de croix. En dehors des localités, notre chauffeur ne capte plus Hit Radio Maroc. Ouf, me dis-je. Fini Maître Gims et l'animateur à la voix formatée pour auditeur de base au QI de mouche. Même au Maroc il doit y avoir des écoles pour ça. Hélas, la qualité de la musique diffusée alors sur collection de CD maison est égale à celle du support, rayé à force d’être empilé tel quel dans la boîte à gants.

Photos : KA's

La bière aux litchis, de toute façon, c'est pas très bon.

Plus d’une fois, j’ai moussé à l'arrière du mono-space en me prenant l'air de mon voyage impérial dans la figure et en me demandant dans quel état de handicap nous allions nous retrouver, après avoir dépassé un camion au chargement improbable, lui-même dépassant une famille de quatre personnes empilée sur un Solex et ceci dans un virage sans visibilité. Plus d'une fois mon agressivité s'est concentrée sur le pauvre Mustafa plutôt que sur les nids-de-poule et sur le fait que j'aie oublié de sortir mes écouteurs de la valise. Plus d’une fois, alors que l’autre comprenait tare pour bar et passait tout droit dans les villages que nous étions censés visiter, d’horribles pensées m’ont traversé l’esprit, comme de le transformer en cochon de lait après l’avoir noyé dans un tonneau de Pinot Noir.

Soyons corrects, Mustafa est tout de même capable d’effectuer certaines choses. D’ailleurs, j’en ai fait une liste.

Mustafa peut :

  • réciter le nom arabe des lieux visités

  • nous ouvrir la portière du mono-space

  • tenter de jouer la carte interactive dans ses explications. Mais lorsque je ne comprends pas la question et que lui ne capte pas la réponse, le surréalisme prend le dessus.

  • nous montrer où sont les toilettes dans un restaurant

  • nous faire longer quatre fois la plage de Casablanca en voiture avant qu’il ne soit l’heure de se débarrasser de nous pour le déjeuner

  • nous dire combien coûte un taxi à Marrakech. C’est exactement le double, il ne s’est pas trompé de beaucoup.

  • nous amener au restaurant à 11h25 sans nous avoir fait visiter la médina de Meknès

  • m’expliquer ce qu’est un cèdre quand je lui demande si on va voir les artisans du bois à Azrou

  • nous dire à quelle heure est le diner à l’hôtel, mais en général, c’est faux

  • avoir un air excédé lorsque nous nous attardons trop longtemps sur les lieux visités

  • parvenir souvent à atteindre l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir nous déposer le plus rapidement possible dans l’hôtel du jour

  • nous octroyer 30 minutes pour un café à la place des 20 minutes habituelles dans l’endroit le plus moche de Marrakech

  • m’appeler Karain (comme pain) (mais ça c’est à cause du e qu’y a pas) et ignorer ma gazelle pendant toute la semaine

  • comprendre que s’il nous largue le plus vite possible à l’aéroport, il va pas payer les 5 premières minutes de parking


Viisiter le Maroc en plein Ramadan n’est pas un problème, à priori. Il en devient un quand notre formidable guide se débarrasse de nous en début d’après-midi dans les établissements 4 étoiles proposés par l’agence, qui me feront plus penser à des bâtiments de l’ancien bloc de l’Est qu’à un palais des Mille et Une Nuits. A ces heures-là, lorsqu’il s’agit de fuir un hôtel sinistre et décentré, on n’a d’autre choix que d’aller se payer un Sunday au MacDo parce que c’est le seul endroit qui est ouvert. Ou de chercher le rayon des bières chez Carrefour, parce qu’au bar de l’hôtel, on ne nous servira pas. D’ailleurs, le rayon des bières, chez Carrefour au Maroc, il n’existe pas. Naïveté, quand tu nous tiens.

Dans tous les cas, la gazelle et moi, nous sommes assez contentes de cette aventure car à nous deux, nous avons perdu 1 kilo et 350 grammes grâce aux repas proposés dans nos lieux de villégiature. Le riz Oncle Benz, c’est bon comme là-bas, dit ! Ma grand-mère faisait la même soupe aux légumes, au chalet, mais avec un peu plus de goût. Et le gratin de choux-fleurs à la crème, j’en ai mangé un meilleur, une fois, en Suisse allemande.

Et comme un voyage ne peut être réussi sans les petites aventures qui le teintent au quotidien, j’ai pu faire rire celle qui s'entendra plus d’une fois appeler « Charlotte aux Fraises » dans les souks, en me faisant remarquer d’une façon ou d’une autre avec l’incroyable habileté qui me caractérise. Liste.

  • Se prendre les pieds dans tous les tapis.

  • Entrer dans les toilettes des hommes.

  • Laisser ses doigts sous le placet de la chaise avant de s’asseoir.

  • Perdre ses tongs dans les dénivellations de terrain.

  • Tenter de se laver les cheveux pendant 20 minutes sous de l'eau glacée avant de réaliser que si l'on coupe le robinet et qu'on le ré-enclenche, ça devient chaud. Il suffisait d'y penser, c'est pourtant simple.

  • Entrer en coup de vent dans les toilettes de la chambre en croyant que la porte est ouverte

  • Répondre spontanément : du bordel ! au guide de Volubilis qui me demande ce que c'est qu'un cloaque. Et devant son air estomaqué, chercher à me rattraper en disant : du chenit…

  • Manquer de me faire casser la gueule par un Juif alors que je plaisante sur le fait qu'il se sert au buffet dans une assiette en plastique. Juste avant de remarquer que tous les membres de son groupe en ont aussi une et que cela doit faire partie d'un principe religieux.

En dehors des prestations lamentables fournies par l'agence dont je tairai encore le nom jusqu'à ce qu'ils aient répondu à mon mail incendiaire, le Maroc reste un pays magnifique peuplé de gens très gentils. J'en avais gardé un souvenir étincelant d'un premier séjour effectué lorsque j'avais l'âge de ma fille. Je ne suis malheureusement pas certaine que celle-ci en garde le même.

La vraie surprise de ce voyage restera la rencontre de deux habitants de Fátima qui ont troqué la Sainte-Vierge contre un Stroumpf. Car en fin de compte, la gazelle et moi, eux et nous, nous avons bien ri. Et nous avons trouvé de nouveaux amis qui, même s'ils le sont devenus maintenant sur Facebook, l'ont tout d'abord été dans la vraie vie. Dans la chaleur, le bruit, les couleurs et les odeurs. Devant des paysages que nous avons admirés ensemble. Lors de discussions partagées autour d'un thé à la menthe.

De ces amis qui, tout comme vous, me liront peut-être jusqu'au bout. Et vous, vos vacances, ça se passe ?

Des becs,

Karin


Bob Azzam - Mustapha

Attention, l'écoute de ce morceau peut endommager le cerveau gauche, tout comme "Hallo Susi" (Tambourin - Lektion 1) ou "Petite Fête Villageoise" de Jean Villars-Gilles.

Merci à Luciano de m'avoir retrouvé la phrase qui fait le titre de ce post.

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